C’est difficile à dire ce qu’on ressent quand quelqu’un de ses proches s’en va. J’ai 20 ans, j’ai déjà enterré deux personnes qui m’étaient chers, et je peux en perdre une autre.
D’abord c’est ma grand-mère qui est décédée. J’avais 6 ans à l’époque, mais je me rappelle de tout très bien. J’étais le dernier qu’elle a vu avant de partir. Grand-mère est tombée paralysée, et elle est restée couchée à la maison une journée entière. À ce moment-là maman était sortie dans la cuisine lui faire du thé, et moi j’étais resté avec elle. Elle respirait bruyamment. Elle m’a dit qu’elle m’aimait beaucoup et qu’elle allait mourir. J’ai répondu que je l’aimais beaucoup aussi, et puis elle a arrêté de respirer.
Sur le moment je n’avais rien compris, mais ces paroles m’ont troublés. J’ai couru dire ça à maman, maman a couru voir grand-mère. Elle a poussé un cri et a commencé à secouer grand-mère. J’ai eu peur et je suis parti. Puis, tout le monde courait autour et pleurait. Et moi, je n’arrivais pas à réaliser que grand-mère n’existe plus. Maman me disait que grand-mère était partie chez Dieu et qu’elle allait vivre dans les nuages. Plus tard, quand j’allais mal ou quand grand-mère me manquait, je pensais que moi aussi, je voulais vivre dans les nuages.
Au cimetière c’était désagréable et difficile. Je ne pouvais pas regarder maman pleurer et j’étais fâché contre elle. Je ne sais pas pourquoi.
Quand j’avais 19 ans est décédé oncle Sacha, quelqu’un qui m’était proche et qui je respectais comme mon père. Il est resté au lit pendant 33 mois, mais personne ne s’attendait à ce qu’il meurt. Maman venait souvent chez lui pour en prendre soin. Moi aussi, je venais. Quand trois jours avant sa mort maman a dit qu’oncle Sacha allait mourir, je ne lui ai pas cru, et je le regrette beaucoup, car je n’ai pas pu le voir dans ces derniers jours. J’avais des choses à faire, et je me disais «Bon, j’irais demain». Mais je n’ai pas eu le temps.
Quand maman a téléphoné et m’a dit qu’il est mort dans ces bras, je n’ai pas cru. Je suis arrivé aussitôt. J’étais assommé, j’avais l’impression qu’il allait se lever et dire : «C’était une blague». Je n’étais pas bien et je n’avais pas le cœur à faire quoi que ce soit. Je ne croyais plus qu’il allait vivre dans les nuages dans le ciel. Et malgré que je crois en Dieu et j’ai eu plusieurs fois l’occasion de me rendre compte qu’il m’aidait vraiment, je n’arrive pas à m’imaginer comment la vie peut continuer après la mort. Le corps pourrira, et je n’imagine pas la vie sans le corps, j’ai un décalage dans ma tête. Mais j’y crois quand même. Je pense que la compréhension viendra plus tard.
L’idée de la mort est pour moi désagréable et me fait mal. Je n’ai pas envie de creuser ce sujet. L’essentiel c’est que maman vive, parce qu’il m’est difficile à imaginer la vie sans elle, et je ne veux pas y penser. C’est une limite, et qu’est-ce qu’il y a derrière, Dieu seul le sait.
Il ne faut pas penser de la mort imminente de la mère, mais il faut être prêt pour tous.
C’est difficile à croire à la vie après la mort, mais probablement elle existe, si tant de gens y croient.
Oui, perdre les parents c’est très difficile...