Quelques fois j’étais à un pas d’aller en prison, mais un ange-gardien veillait sur moi. Mais le malheur est venu par là, d’où on ne s’y attendait pas. Des joueurs de cartes professionnels que mon mari connaissait sont partis travailler sur Issyk-Koul; après avoir acheté une nouvelle «Lada 6», nous aussi avons décidé de faire un tour avec eux, histoire de se reposer. Mon mari avait bien sûr un petit intérêt d’argent, il était, disons, une partie indépendante qui est présente pendant le jeu et surveille le respect des règles. Il ne participait jamais, mais observer, c’était sa passion. On apprend mieux les gens, disait-il.
Au retour, deux voitures nous arrêtent. J’étais calme, nous n’avions rien. Nous avons pris de la morphine pure, nous étions tout de même partis nous reposer, mais nous nous sommes injectés les derniers restes juste avant de repartir. On nous a emmenés à la brigade, en nous séparant. Je suis restée toute la journée dans un bureau sans savoir ce qui m’attendait. On ne me parlait pas, on ne me posait pas de questions. Je croyais que j’allais rapidement rentrer à la maison.
En fin de journée je commençais à être très malade, la nuit commençait à tomber, j’avais du mal à me maîtriser. Et tout d’un coup on m’a emmené quelque part et on m’a renfermé. C’était la fin. Une petite cellule, 2 mètres sur deux, le plafond un mètre et demi, le sol couvert de planches, dans le coin une flanelle inimaginable, la pénombre. J’étais choquée, je ne voulais pas y rentrer, mais j’y suis contrainte malgré tout. La saleté, la puanteur, la peur…
Je n’avais pas fermé l’œil jusqu’au matin. J’avais maintenant besoin d’une grosse dose, j’étais très malade, je ne tenais pas debout, je ne pouvais pas me déplacer. Très tôt le matin on m’a ramené à la brigade et là-bas j’ai appris que pendant les fouilles de la voiture on a trouvé 50 grammes de la poudre de morphine pure. Nos joueurs en ont prévu pour le jeu, et nous, on ne s’en doutait même pas. Il n’y avait que moi et mon mari qui avions des traces de piqures, ils n’en consommaient pas, malgré leurs biographies «mouvementées»: 5-7 condamnations, passage par le service spéciale de contre-espionnage du Comité de la sécurité nationale de l’URSS, l’un d’eux risquait la peine de mort, bref, des gars avec de l’expérience. Ils ont laissé des traces autour d’Issyk-Koul, mais la police n’avait rien de concret sur eux, et c’est eux qu’on était en train de «cuisiner», et nous, on restait là-bas comme une remorque. Bien sûr ils essayaient de savoir qui et quoi, mais ils n’avaient rien contre nous, que des traces de piqures.
72 heures. Il est difficile de décrire ce qui se passait avec moi pendant ce temps-là. Je perdais la connaissance, j’entendais les vois, on appelait plusieurs fois le SAMU. Ma patience était comptée. Les policiers ne me traitaient pas trop mal. Ils me faisaient manger au café, ne me disaient pas des grossièretés. J’étais déjà prête à tout si on me laissait me faire une injection.
Quatrième jour. Ils m’ont dit: «On relâche les deux autres, ils n’ont rien, et la morphine est à vous, n’importe quelle expertise le confirmera». À cette époque-là rien que des traces des piqûres suffisaient pour être condamné à la prison, et 50 gramme de morphine c’était déjà très sérieux. Moi, je pouvais être relâchée, comme ils me disaient, mais mon mari allait prendre 5-7 ans. Et je l’aimais. Je me suis dit, moi, on me donnerait qu’un an ou deux, il viendra me voir et il m’attendrait, c’est certain. Et moi, je n’étais pas sûre d’être capable de l’attendre… Et j’ai dit que je prenais tout sur moi. Évidemment, ils ont pris ma déposition, mais plus tard le responsable m’a appelé dans son bureau, m’a grondé et me demandé de revenir sur ma déposition. Ils n’avaient pas besoin de moi. Ou peut-être ils avaient simplement pitié de moi pensant que je m’étais embrouillé. Mais j’avais pris ma décision. Quand on a dit aux partenaires que j’ai pris sur moi le délit des autres et qu’ils pouvaient rentrer chez eux, mon mari a failli me tabasser dans le couloir.
Et tout de même, les policiers étaient sympas avant. On m’a ramené chez le patron, donné de quoi me piquer et relâché jusqu’au tribunal. Le patron, un homme d’un certain age et très haut gradé, me grondait que j’étais mal tombée, que je détruisais ma vie et que mon mari n’avais pas besoin de moi, qu’il se servait de moi. Il était loin de se douter que j’étais déjà dans la merde jusqu’aux oreilles. Et c’était un argument qui pesait lourd dans ma prise de décision d’avouer. Les partenaires ne connaissaient pas les détails sur mes activités, mais ils étaient capables de dessiner un tableau général pour que les services concernés s’intéressent à nous, et cela me faisait peur plus que tout.
Pour rentrer à la maison on roulait à toute allure, en silence et en se haïssant. Nous avons mis trois heures pour faire 700 kilomètre avec la «Lada». J’avais peur de ce qui allait suivre. Mais j’en parlerai dans le prochain post.
Le temps montrera, si elle a fait correctement ou non.
Voici, une belle vie est finie..
Tôt ou tard, elle aurait été arrêtée