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Le chien errant de Juan Alvares

Le chien errant de Juan Alvares

Author:   Baptiste Poulain

country :   France

Date de l'ajout: 03.02.2013

Le chien errant de Juan Alvarez.

            Je m'en souviens…. Je tenais une ampoule dans ma main. J'étais seul dans une petite chambre. Bizarrement la seule source lumineuse qu'il y avait ventée de cette ampoule. Il n'y avait rien pour la connecter, seulement ma main. Le calme régnait. J'observais ma lumière. Soudain, l'objet que je contemplais se mit à exploser. Des éclats de verre se fracassèrent sur le sol dans un brouhaha assourdissant. Et, tout au ralentit, la lumière disparue dans un noir profond.

            J'ouvre les yeux. Mon corps est encore tout endolori mais puisant d'une force acquise par le sommeil. Je décide de me lever, et me hâte à toutes ces tâches mécaniques que l'on a coutume de faire ces matins ordinaires.

            Dans la cuisine, il fait sombre. J'allume la lumière, mais rien ne se passe. Je n'y fais pas attention. Je marche sur des objets indéfinissables, manque de me couper sur ce qui semble être du verre, escalade je ne sais quoi qui traine sur le sol, trébuche puis me relève, et atteins enfin la gazinière.

            Il est tôt. Je bois mon café et laisse mes pensées errer pour la France. L'odeur des pâtisseries, du beurre fondu et de la confiture de mûre montent dans mes narines. Là-bas, le soleil se couche, mais personne ne dors. Ici, il se lève peu à peu. Bientôt la lumière apparaît. Puis les couleurs. Rose. Blanc. Bleu. C'est l'aurore. Tout se révèle dans l'appartement, tout renaît. Mes yeux quittent leur glu matinale. La caféine me fouette la nuque d'un coup sec, et mes paupières se lèvent brusquement. Eurêka, j'y vois!

            Quelques parpaings et une habitation plus bas, les voisins commencent déjà à s'injurier. Des plateaux volent dans la cuisine en direction d'une pauvre femme, qui, face à son marie se trouvera toujours en tort.

"Apuras-te tonta!" hurle t-il en attente de son petit déjeuner. Elle, maudit dans sa tête le jour ou ils se sont rencontrer. Mais pour une raison qu'elle ignore, elle reste là. Cela fait bientôt deux semaines qu'il a perdu son emploi; deux semaines qu'il passe à errer chez lui sans même se laver n'y s'occuper de quoi que se soit. Avachis dans son canapé il regarde le petit écran dont l'image grésille à en perdre ses couleurs. Sa femme lui apporte docilement son plat de "frijoles" qu'il dévore avec ses tortillas, puis elle s'enfuie pour travailler à la "tienda" du coin.

Bon et alors, maintenant … que faire?

            Je fouille dans mon pyjama pour en sortir un paquet de cigarettes. Je m'assoie. En fume une première pour accompagner mon café. A l'aide de mon pied je débarrasse la table qui a connu la veille un festif désordre. Du talon de ma chaussette j'éponge un restant de vodka maladroitement perdu durant la fête. Et surprise! En faisant mon rangement  je découvre un sachet d'herbe verte encore généreusement rempli. Ma cendre tombe sur le sol et s'y dissimule parmi les détritus. D'ailleurs j'écrase aussi ma clope pour y ajouter un ultime pigment noir à cette fresque chaotique.

            Mon ventre se tord dans tous les sens. Je suis affamé, et en plus la cuite de la veille ne s'est pas calmée. Il me faut contrer ce mal par autre chose. Alors, je cherche en vain une feuille de tabac pour en confectionner mon joint. Tous les paquets sont vides. Je commence à avoir peur. Peur de ne pas pouvoir me rassasier à cause d'une simple feuille. Je me lève et retourne tout le bordel. J'aperçois Poussin assis comme à son habitude sur le rebord de la fenêtre. Poussin c'est cette poupée de sable en forme d'animal dont le crâne est recouvert de graines. Il peut passer du complètement chauve à la crête d'iroquois. Il me fait rire. Il a de l'humour le petit. Mais il n'est pas très souvent bavard.

Bah aides moi toi!

Je ne sais pas, une page de la Bible!??

Mais, il n'y a pas de Bible ici!

Non! un ticket de caisse!

Oui à la rigueur, ça pourrait faire l'affaire… merci poussin."

            Je fouille dans des manteaux, soulève des draps ici et là. Soudain, un pied! C'est un ami qui dort sur le sofa. Je n'avait pas fait attention. Dans une poche de son jeans j'aperçois un paquet de feuilles OCB. Je le prends délicatement, en faisant bien attention de ne pas le réveiller. S'il se réveille il faudra partager. Pour l'instant, je n'en ai pas envie.

De retour sur mon fauteuil, une nouvelle clope au bec comme pour me mettre en condition, je prépare mon mélange et recrache la fumée par mon nez.

Toxicomane… moi? Et puis quoi encore, hein??

            Bon soyons clair! Je sais très bien ce que vous pensez de moi. Vous vous dites, celui la, il a un problème. Il ne peut pas tout régler tout seul, il lui faut sa drogue. A vrai dire… oui! J'avoue, je suis dépendant. Aujourd'hui disons que j'en serais plutôt à un par jour. Enfin ça dépend. Il y a des soirs ou je ne compte pas. D'autres, où je pourrais prendre n'importe quoi.

Vous comprenez des fois, quand le sommeil ne vient pas il me faut ma dose. Ma grand-mère, elle, ne peut pas dormir sans sa tisane ou son somnifère. Finalement à chacun sa drogue. Après ça, elle le sait bien, il n'y a plus de problèmes. Moi, je suis un rêveur. Je suis de ceux qui font fonctionner principalement leur cerveaux droit. C'est à dire que je vis au jour le jour. Sans même penser au lendemain, ni même au passé.

"Tu veux une taffe Poussin?"

Huit heure du soir, même endroit….

            C'est la nuit, je suis complètement défoncé. L'atmosphère est calme, quoi qu'un peu flou dans ma tête. Il y a des gens tout autour de moi. Leurs grosses bouches s'ouvrent dans des éclats de rires ininterrompus. Ils font des grimaces, plissent les yeux et recrachent leurs morceaux de poumons dans des nuages de fumée. "Bonne ambiance", dira-t-on. La maison est accueillante, et propice à ce genre de fêtes. Vu les gens et la décoration on se croirait dans un de ces squats d'une de ces rues malfamées de Paris. Mais… Je m'ennuie. Il n'y a déjà plus rien à boire, plus rien à fumer, tout va trop lentement ici. Une goutte de sueur dégouline le long de mon front et passe par ma barbe avant de s'échouer sur le sol.

Je sors, et annonce brusquement: "-Bon! J'ai une course à faire!"

            Dehors, je presse le pas. Je rase le mur, tête baissée. J'évite tout contact avec le voisinage. Je suis le chien errant de la "calle Juan Alvarez". Les mains dans les poches, j'attrape mon portable et y compose un numéro:

"Bon dit moi vielle branche tu fait quoi se soir?… Ah ah! géniale, putain tu me fait rêver… Ok je compte sur toi! On se voit tout à l'heure au Fresco. Tchao!"

            Le Fresco. Tous les jeunes de Guadalajara qui veulent faire un break le vendredi soir connaissent cet endroit. C'est un bar de nuit excentré, presque à la périphérie de la ville. J'aime y aller régulièrement. Là-bas tout est possible.

Ça y est, on y est!

            Très vite on est dans l'ambiance. La musique est à fond. Les cent vingt mètres carré de l'espace extérieur se retrouve déjà noir de monde. Des lasers de toutes les couleurs invitent les plus timides à danser.

Ça gueule, ça crie, c'est content, et ça boit des litres de bières au goulot.

La Corona, la Victoria, la Pacifica, la Bohemia negra, la Teckate, la Modelo…

Et…. la drogue arrive!

De la marijuana, du cristal, de la cocaïne, du LSD, du crac, du cheval, de la rabla, de l'éther, de la kétamine… de… la… ké… que… quoi?

-No mames cabron! Despiertas-te! Sabes a donde estamos?

-Hein, quo??! euh… No! Mierda, que pasa? Estaba tratando con ella y…                   

donde està?

-No sé! somos a la casa wey! Quieres tomar alguo?

-Euh… ok, gracias… Salut Poussin!"

            Des millions d'étoiles défilent devant mes yeux.  Se soir là encore, je ne sais pas comment nous sommes rentrés. On est maintenant réduit à une dizaine de personnes. Ça parle des coups que l'on a fait, de ceux que l'on aurait pu faire, d'un souvenir, d'une anecdote, du nombre de verres que l'on a bu dans la soirée, des filles que l'on a accosté, et des baisés échangés à de parfaites inconnues. Les meufs se foutent de la gueule d'un mec qu'elles ont vu. Ça piaille, ça hurle, ça fait la fête, ça joue aux cartes, au "beer-pong" et à d'autres jeux d'alcool. Puis quelques uns s'en vont, la lumière redevient rouge et chaleureuse, nous sommes dans une ambiance de confiance. C'est agréable. Un gars monte sur la table et offre des acides aux personnes encore présentes. Après la dose, la lumière s'électrifie, les esprits s'excite de nouveau et tout le monde danse comme des fous.

            En dessous, pendant que ces jeunes gens font la fête, le voisin commence à perdre patience. Il ne peut pas dormir et on peut voir dans ses yeux rouge de fatigue qu'il a la rage. Ses pupilles tournent dans le vide, il en devient fou. Assis dans son fauteuil, presque immobile, il se mord les lèvres, et commence à tourner la tête légèrement vers la droite en direction du téléphone. Cela fait depuis trop longtemps que ce bruit incessant lui monte à la tête. Depuis qu'ils là, il ne dort plus. Pour tenir le coup il s'est remis à boire. Et maintenant il ne sais plus quoi faire. Il attend le bon moment pour appeler les flics. Il faut dire que le voisin, ce n'est pas quelqu'un de mal. Lui aussi a été jeune autrefois et il a certainement fait des fêtes pire que ça. Mais partager une maison c'est souvent problématique. Ils sont colocataire malgré eux.

            A l'étage c'est la folie. Tout le monde court et danse dans tous les sens comme des hystériques. Une amie passe devant moi le sourire jusqu'aux yeux. Elle crie comme dans la chanson, puis elle crie encore plus fort. On dirait qu'elle a mal, mais continue à danser en traversant tout l'appartement. Notre ami qui nous a invité à cette partie de délire explose de rire maintenant le dos sur la table et les mains aux côtes. J'aperçois mon frère, et lui envoie une grimace toute déformée. Il me répond d'une tape sur le dos qui m'envoie directement sur le sol. Joyeux de cette maladresse, il me rejoint pour se rouler par terre. Je ferme les yeux et ne peux plus les rouvrir. Je sens que toute mon énergie c'est évacuée d'un coup. Maintenant, il me faut dormir. Rien ne pourra m'en empêcher. Pas même le bruit de la table qui se désosse prés de moi. Bientôt c'est le néant.

            Au rez de chaussé, le voisin retrouve sa joie de vivre. Après une bouteille et demie de téquila et un cacheton de morphine qu'il a pris l'habitude de prendre pour calmer ses nerfs, il commence à jouer, seul avec son imagination. Puis peu à peu le songe prend le dessus.

 

POULAIN Baptiste

 

 

 

 

 

 

 

 

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